Terre, une invitation au voyage

[Terdav & 20Qs] Inde, région du Ladakh

Pauline Gerardin
[Terdav & 20Qs] Inde, région du Ladakh

Pauline et Baptiste, de 20 questions to the world, se sont rendus en Inde, à la rencontre des nomades, au Ladakh. Récit.

Notre arrivée à Leh par avion est époustouflante. Nous survolons la chaîne de l'Himalaya que nous découvrons avec un émerveillement presque enfantin. Les montagnes sont si hautes que nous avons l'impression de frôler les sommets. En sortant de l'avion, nous sommes immédiatement frappés par la luminosité extrêmement forte, si caractéristique de la haute altitude, et nous respirons avec joie cet air sec et pur, agréable contraste avec l'humidité accablante et la pollution de New Delhi.

Leh est le chef-lieu de la région du Ladakh, située tout au nord de l'Inde, entre le Pakistan et le Tibet. Il y a d'ailleurs un très grand nombre de réfugiés tibétains dans toute la région et, partout, nous sentons l'influence de leur culture. Lorsque nous étions en Mongolie et au Kirghizistan, il nous suffisait de faire trois pas dans les steppes pour rencontrer des nomades. Ici, au Ladakh, nous savons que cela risque d'être plus délicat. Nous aimerions aller voir des Changpas, nomades du plateau du Changtang.

 

Nous partons donc avec un guide très sympathique : Rajiv. Après plus de 400 kilomètres sur une route vertigineuse et magnifique, nous arrivons au lac Tsomoriri, où il avait croisé des nomades quelques jours plus tôt. Nous nous rendons à l'emplacement exact où Rajiv les avait rencontrés, mais nous ne voyons plus que l'herbe un peu noircie, témoin de leur campement. Ils sont partis il y a visiblement peu de temps. La montagne paraît être un terrain bien trop grand pour jouer à cache-cache. Heureusement, Rajiv nous rassure en nous expliquant que les villageois de Karzok sauraient nous renseigner. En effet, dans ce village situé au bord du lac, tous les habitants ont des amis ou de la famille nomade. Une fois au village, on nous désigne une vallée, en nous disant que les Changpas sont partis dans cette direction.

Une bonne nuit et quelques heures de marche plus tard, on trouvera leurs tentes, plantées à 4700 mètres d'altitude. Rajiv connaît l'une des familles dont la grand-mère nous accueille gentiment dans sa tente. On se croirait dans Harry Potter ! La tente paraît extrêmement petite vue de l'extérieur, mais elle est en réalité beaucoup plus grande dès que l'on rentre dedans. En effet, le sol a été creusé afin de permettre une meilleure isolation du froid et du vent. L'aspect linguistique est technique : les Changpas parlent une langue qui est plus proche du tibétain que du ladakhi. Heureusement, ils comprennent le ladakhi et Rajiv comprend leur langue.

 

Pour les interviews, Rajiv leur pose les questions en ladakhi, puis les Changpas lui répondent dans leur langue dérivée du tibétain. Ils ont l'air d'à peu près se comprendre, mais lorsque nous traduisons les interviews, nous découvrons quelques dialogues assez surprenants comme par exemple :

"Rajiv : - Quelle est votre relation avec la nature ?
- La grand-mère : C'est quoi la nature ?
- Rajiv : Quelle est la plus belle chose que vous ayez vue dans votre vie ?
- Le grand-père : Oh, il n'y a pas eu d'événement particulier.

Nous interrogeons un grand-père, une grand-mère et leur petite-fille. En Mongolie et au Kirghizistan, les nomades avaient l'air honoré de répondre à nos questions. C'était pour eux un événement : toute la famille se rassemblait et commentait les réponses. Ils sont fiers de leurs traditions nomades et sont heureux d'en parler. Il faut dire que nous avons interrogé des nomades qui avaient entre 300 et 1000 têtes de bétail, ils étaient donc riches.

Au Ladakh, c'est différent. Le grand-père et la grand-mère que nous avons filmés n'ont plus que 14 chèvres. Ils ont donné une partie de leur troupeau à chaque mariage de leurs enfants, et les hivers sont si rudes qu'une partie non négligeable de leur bétail meurt. Ils nous disent qu'ils sont pauvres et que leurs conditions de vie sont particulièrement difficiles. Ils ne mettent donc pas en avant leur mode de vie de nomade et comprennent que leurs petits-enfants puissent vouloir habiter à Leh. A la question : « Préfèreriez-vous être sédentaire ou nomade ? », ils nous répondent : « Nous n'aurions pas les moyens d'être sédentaires. A Leh, tout est payant. Ici, tout est gratuit. »

Ils nous expliquent ensuite que le nomadisme disparaît à une vitesse hallucinante. Cela inquiète le gouvernement car une très grande partie des richesses de la région provient de l'élevage des chèvres pashmina, des yacks... L'État tente donc de donner des aides pour soutenir les nomades, en fournissant un peu de fourrage l'hiver quand il y a trop de neige par exemple, mais cela reste insuffisant. Même si ces rencontres étaient moins évidentes qu'en Mongolie et qu'au Kirghizistan, elles ont été très intéressantes car elles nous ont montré un autre aspect de ce mode de vie exigeant.

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