Terre, une invitation au voyage

Les aurores Boréales de Bertrand

Marion
Les aurores Boréales de Bertrand

Rencontre avec Bertrand, notre correspondant local en Islande passionné par les aurores boréales.

Que disent les légendes locales à propos du phénomène des aurores boréales ?

Aussi étrange cela puisse paraître, les légendes islandaises n’en disent rien, ou si peu, alors que la mythologie romaine est capable de nous offrir un mythe. Aristote les évoque, alors que les occasions de les observer au niveau du bassin méditerranéen ont dû être bien rares. Dans des grottes de ce qui allait devenir la France actuelle, l’homme de Cro-Magnon nous aurait laissé un “graffiti” vieux de trente mille ans représentant une aurore boréale.

En Islande, rien de cela, à croire que cela fut trop familier pour que l’imaginaire ne s’en empare. Les aurores boréales livraient pour les Islandais des réflexions bien plus terre à terre : selon leur forme, leur vitesse, leur vigueur, leur intensité, elles auguraient d’une météo plus ou moins stables pour le lendemain ou de la direction des vents. Ce n’est pas si étonnant, dans la mesure où les hommes vivaient de la terre et de la mer, et que prévoir le temps avec justesse était souvent, surtout en mer sous ces latitudes, une question de vie ou de mort. Des aurores assez calmes dans le ciel annoncent le beau temps, des aurores agitées, le mauvais temps. Des aurores à un moment avancé du printemps, des neiges tardives. Des aurores rouges, un mauvais présage.

De nos jours, quelques Islandais avancent que les visiteurs chinois et japonais viennent en grand nombre pour les observer, car cela porterait bonheur de concevoir un enfant sous les aurores boréales. Bon, comme pour apercevoir les aurores il faut un ciel dégagé, et qu'elles sont visibles surtout en hiver, souhaitons-leur surtout de ne pas attraper une pneumonie. Plus sérieusement, les enfants conçus sous les aurores mettraient la chance de leur côté, et seraient prédisposés au bonheur durant leur vie. Plusieurs guides ont rapporté ces anecdotes. Reste à trouver un témoin de ces événements subpolaires pour corroborer ce qui est peut-être justement le début d'une légende.

Les meilleurs spots et la meilleure période pour observer les aurores boréales en Islande ?

Il n'existe pas de "meilleur spot" à proprement parler. Se trouver au niveau des cercles polaires arctique et antarctique est suffisant ! Mais, je saurai en toute circonstance faire preuve de la plus grande objectivité et de la plus grande impartialité : il va de soi que les plus belles sont visibles sur notre île ! Une chose est certaine, nulle part ailleurs dans le monde on ne peut associer la découverte d’une nature aussi unique et grandiose durant la journée à l’observation des aurores dès la nuit tombée !

Cette année en Islande nous avons eu de la chance. Dès la fin du mois d'août, à la faveur de nuits belles et froides nous avons eu droit à un festival avant l'heure. Parlons de conditions à réunir pour les observer dans les meilleures conditions. Elles sont au nombre de trois. La première : avoir la chance qu'environ trois jours avant la date d'observation il y ait une grande activité solaire. A savoir que notre astre soit assez généreux pour expulser plein de particules dans l'espace (que les spécialistes qui liront ces lignes pardonnent mon côté profane). La seconde : éviter si possible la pleine lune et un ciel étoilé, sources de pollution lumineuse mais naturelle. Les aurores seront plus fades. La troisième, avoir un ciel dégagé.

Il y a une quatrième condition, qui tombe un peu sous le sens : éviter d'être en ville, source cette fois de réelle pollution lumineuse. Autant dire que l'Islande est un bon terrain de jeu, puisque les deux tiers de la population se concentrent dans la capitale. Au rayon des croyances, certains vous diront "Plus on va au nord, plus belles elles sont". Certes, mais cela dépend aussi de la puissance des aurores, alors, à ce stade, cela devient une querelle de spécialistes, durant laquelle chacun voudra avoir le dernier mot (et oubliera justement qu'à l'instant de ce vain débat, une très belle aurore s'épanouit dehors...)

Ta plus belle anecdote lors d'une "chasse" aux aurores ?

Si je ne devais en retenir qu'une, je dirais "ma première fois". Je m'en souviens comme si c'était hier (oui, les aurores boréales sont bonnes pour la mémoire) le 28 août 1987. Mon premier voyage en Islande s'achevait. Je venais de parcourir seul la presqu'île de Hornstrandir, dans les fjords du nord-ouest avec mon sac à dos ; j'avais pris le dernier bateau pour rentrer à Ísafjördur, la plus grosse bourgade de la région. Installé au camping à l'écart de la petite ville encaissée dans le fjord, j'étais couché dans mon duvet et j'observais les étoiles.

Il faisait froid, je m'en souviens bien, mon duvet n'était pas assez chaud mais le spectacle des étoiles était ce soir-là enivrant. Et tout à coup le ciel s'est empli de vert, mouvant, des traînées mouvantes, des draperies. C'était incroyable, et tellement surprenant !

J'étais venu en Islande pour voir des volcans, des solfatares, des glaciers, des déserts et des couchers de soleil interminables qui mettaient le feu à l'horizon, mais dans mon ignorance je ne savais tout bonnement pas ce qu'était une aurore boréale. On en parlait moins dans ces années-là, et je ne faisais pas le lien avec le spectacle qui s'offrait à moi. A la place, je me mis donc à croire... aux martiens. Jusqu'à ce qu'un jeune voyageur allemand qui les observait comme moi me dise dans sa langue : Nordlicht. Je réalisai alors le gâchis de longues années passées en classe d'allemand près du radiateur à rêvasser (d'Islande, mais pas d'aurores). Ce n'est que le lendemain (le radiateur chauffait moins en classe d'anglais et la torpeur était moins grande) que je me renseignais et réalisais vraiment ce qu'avait été cette fantastique découverte !

Je finirai sur une autre toute petite anecdote, juste pour vous rendre un peu jaloux. J'habite en centre-ville sur une colline tournée vers l'aéroport domestique de Reykjavík au trafic limité. Et pas éclairé la nuit. Alors l'automne venu, au moment de nous coucher, ma femme et moi ne tirons pas le rideau et scrutons les cieux dans l'attente des aurores, qui souvent finissent par se montrer ! Certes, elles ne brillent pas autant qu'en dehors de la ville, mais l'avantage, c'est que nous sommes bien au chaud pour les observer.

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