Terre, une invitation au voyage

L’aventure hors-piste au Pamir avec Cédric Tassan, explorateur à vélo

Hugo Blondel
L’aventure hors-piste au Pamir avec Cédric Tassan, explorateur à vélo

Avec son VTT et ses 35 kilos de matériel, Cédric Tassan s’est lancé au mois d’août dans une expédition dans le massif du Pamir, à l’est du Tadjikistan. Le cycliste aventurier soutenu par Terres d’Aventure a parcouru près de 350 kilomètres sur un terrain isolé, le poussant parfois à revoir ses plans.

Lorsqu'il évoque son expédition à vélo, Cédric Tassan donne l'impression d'être encore face aux paysages qu'il vient de traverser. Pendant trois semaines, il a sillonné le Pamir. C'est une région très montagneuse du Tadjikistan où se côtoient des sommets de plus de 7000 mètres, des rivières aux flots déchainés et des vallées fertiles peuplées de nomades.

Les premiers jours se sont bien déroulés mais rapidement le terrain devient plus compliqué. "Quand on part pour une aventure à vélo, on veut pédaler. Sauf que dans ces montagnes-là, il n'y a pas de chemin ! Tout devient alors plus difficile, le vélo devient un fardeau", décrypte Cédric. Les fondamentaux de l'aventure, sans aucun doute : "On vit dans une société où tout est de plus en plus planifié, du début à la fin de la vie. Partir à l'aventure, c'est se lancer dans l'inconnu, dans l'imprévu. J'aime bien aller dans des endroits où il n'y a pas des centaines de personnes qui ont roulé avant moi, donc je n'ai que peu d'informations !"

En descente vers la vallée - ©Cédric Tassan

Niet doroga !

Avant de partir, Cédric élabore soigneusement ses itinéraires, en privilégiant chemins et sentiers aux pistes et routes goudronnées. En utilisant des cartes satellites, il peut discerner les reliefs et deviner l'état du terrain. Sur place, il a l'habitude de demander son chemin aux locaux. Ce à quoi au Pamir il se voit souvent répondre : "niet doroga" qui signifie en russe "pas de chemin".

Habitué de l'Asie centrale suite à ses autres expéditions au Kazakhstan, en Ouzbékistan et au Kirghizistan, Cédric explique : "doroga est un mot utilisé pour tous les chemins, sans nuances entre le sentier ou la route.

Or, en vélo, la nuance est très importante. Niet doroga veut dire qu'il n'y a littéralement rien". Face à ce terrain exceptionnel, montagneux, rocailleux et sans trace, l'explorateur n'a d'autre choix que de modifier régulièrement son itinéraire voire même pousser son vélo pendant plusieurs kilomètres.

Passages escarpés, vélo sur le dos et passage de rivières : un programme chargé pour l'explorateur - ©Cédric Tassan

Lac Sarez

Son itinéraire l'a aussi amené à évoluer en haute altitude. Cédric passe notamment le col de Vrang, à 5013 mètres, après une longue et harassante montée de presque 2 jours. De l'autre côté, le couloir de Wakhan, un lieu unique au monde qui fascine le cycliste par son histoire. Parmi ses découvertes, c'est bien le lac de Sarez qui l'aura le plus marqué : "il faut imaginer un lac de 50 kilomètres de long, enlacé autour de montagnes très escarpées. J'ai rarement vu ce type de paysage ailleurs dans le monde", raconte-t-il.

Alimenté par la rivière Bartang, le lac s'est formé en 1911 à la suite d'un tremblement de terre gigantesque. Si un des flancs venait à céder, il engloutirait la région, impactant plus de 6 millions de personnes selon les estimations.

L'environnement du Pamir est hautement minéral. Les montagnes ont poussé comme des champignons. Les écrins de verdure sont rares, les habitants aussi. "Il y a une histoire qui raconte que quand Dieu a distribué les terres aux Hommes, il a oublié les Pamiris. Attristés, ils héritent finalement du plus beau pays du monde", explique Cédric, en proposant son interprétation du mythe : "Dieu leur a certainement donné le plus beau pays du monde mais il a dû se dire également que si les Hommes manquaient de pierres, ils en trouveraient ici".

Cédric a du longer certains rivières parfois pendant plusieurs heures avant de pouvoir les franchir - ©Cédric Tassan

Cédric voyage pour rencontrer des gens. Sans êtres humains, les paysages ne l'intéressent pas. Sur ses réseaux sociaux l'aventurier partage de nombreux portraits des personnes croisées sur son chemin. Pourtant son parcours l'a mené à être parfois sans contact pendant plusieurs jours. Lors de son arrivée dans les alpages au pied du pic Lénine et du pic Karl Marx à 4000 mètres d'altitude, Cédric sort "d'une journée extrêmement difficile" où il en vient à se demander à quel moment il doit abandonner son vélo pour "sortir au plus vite des montagnes".

Camps de yourtes

Là, vit une famille avec deux yourtes. Il salue la mère de l'autre côté de rivière qui l'invite à venir les rencontrer et se restaurer. Un festin de pain frais et de beurre attend Cédric. Un don du ciel après sa dure journée. S'ensuit une rencontre inoubliable. "C'est une famille de bergers avec plusieurs enfants assez jeunes qui vient dans ces pâturages de mai à octobre avec leurs 1000 chèvres et leurs 100 vaches. Le village est à 5 jours de marche et ils doivent passer par des cols enneigés. Nous avons beaucoup échangé et le soir ils m'ont invité à dormir avec eux dans la yourte, dans un silence de cathédrale", témoigne Cédric, encore marqué par ce moment suspendu.

Visages de bergères pamiries - ©Cédric Tassan

Dans cette région sujette à l'exode rural, les ressources économiques sont très faibles. L'expédition de Cédric s'accompagne aussi de deux projets. Le premier a consisté à transporter et installer des panneaux solaires pour faciliter l'accès à l'électricité. Le second est un projet de développement de camps de yourtes en association avec une agence touristique locale. Elle a pour but de faciliter l'accueil de trekkeurs et de touristes dans la région en participant à la sauvegarde des traditions.

Suite à cette expédition, Cédric travaille à la réalisation d'un film-documentaire qui sera diffusé en avant-première à l'occasion de la 6ème édition du festival Objectif Aventure qui aura lieu fin janvier 2025 à Paris.

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